Lettres d'estuaires
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Icône des Poissons
21 février - 20 mars

© Lucien Arlaud


La nuit est aux abois. La lune coutelière sous le jarret d'Ambès. Aux palus de Neyran un souffle annonce l'aube, un frisson des roseaux. L'épine en fleur, les yeuses, le brou des chevaux nus. La harde à la lippée, la frise des crinières. Dans l'Île Patiras la neige des pruniers, giboulée sur les eaux où passent les pétales des vergers de Brantôme. Dans la coudraie l'appel liquide. Est-ce mourir si chante le rossignol ?

Girandoles d'étoiles, aube de basse lune. Les eaux gonflent encore du remont des lamproies. Muscles noués de lymphe, saillie d'ombre du flot, délivrance des mères aux estives d'Agen. Les vignes sont taillées, la sève est au larmier. Sous la feuillée, le triolet, l'épode volubile. Le rossignol allie la rime aux mélismes du flot. Les muges y nagent –ambre des ouïes, museaux de zinc –gobent la nuit. A l'orient son suaire où palpite Vénus. 

Le guindant du tramail chante au guingois du flot, liesse des esturgeons, onciale du caviar. Aux baies de l'Île Verte, les foulques. Un gravier roule, la clique à tire d'ailes, gruau de suie aux cheminées de l'aube. Au chai le vigneron colle son vin, la plèvre des blancs décante la ténèbre. Croc des tanins, laitance d'étoiles. Extase, ultime terme, grâce plénière au giron des eaux mères. Emplie d'elle-même la rivière appelle l'en allée. 

L'étale ébauche la renverse. Sous la déprise de la nuit, méteil ocre, l'aurore. Salve hauturière des palombes ! Sur la mouvée du jour s'allonge leur étole. A la corne du pré, la cigogne, prompte à croiser le bec avec les carassons. En son journal le vigneron tourne le vime, trace en cursive l'aste et le cot. L'arbre vêt la feuillée, miellée des mimosas, bouillons d'ambre du saule, parousie des deux mers marchant vers le revoir. 

La nuit coque brisée. Le Graal ! Le Graal où la fission broie le noyau du Sens. L'aube tire l'instant vers son intime désunion. Coulée du sanctoral, irradiation du Verbe, Chrisme !
 
 

© Catherine Lippinois

La chair des mots

Aste Sarment laissé au cep pour porter fruit. 
Cot Courson ménagé pour succéder à l'aste. 
Vime Osier pour lier la vigne. 
Journal Aire qu'un vigneron labourait en un jour.
 

texte de Christian Lippinois ©
dessin de Lucien Arlaud ©
tapisserie de Catherine Lippinois ©

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