Sur la cornée du ciel glisse une taie d'argent. A l'échine du banc joue l'italique du clapot, les marches au loin de la Saintonge. L'effarvatte assidue clame sa broqueline. Tiri tri tsec, tiri tscherc ! Aux cannes un nid noué d'oisillons et de cris. La cistude à l'étier, rondache de corne où ploie le tilde d'un éphémère. Qui carcaille au guéret ? Sous l'orbe du busard la caille ameute ses poussins.
O floraison des treilles, nouaison des merlots. Le fleuve est à l'entour et la vogue des heures. L'essaim des îles s'embue, l'eau se noie d'échaudure. Friselis, ventre gris, un banc de muges en épuise l'étain. La mouvance de Blaye enflammée d'étendards, la poudrière soufrée de ravenelles, le boutefeu des valérianes. Turquoise tiquetée de lune, gorgeron blanc, babil abrupt, Martin-pêcheur est l'empennage de son bec.
Gironde, l'aile d'une géline sur la couvée des îles, flagelle bleu de la galerne, consonnes géminées du confluent. La drague y tire son bouvet. L'ami Martin sur un roseau –iris de jais, plastron de braise –se décoche d'azur, zipp ! une civelle au bec. Les filets à Meschers battent sur des fourchas, le vent s'y prend. Qui grondine sous les roches ? Mais l'eau s'esquive et la maigrat s'y meurt, sa ponte révolue.
Au déclin du chenal les filadières à la posée. Le pal de Trompeloup à la pique du banc, la lune à la coupée, vivandière indolente. Une torque de bulles prise aux crocs de la grève, les refuites du vent. Dans la saulaie Martin s'affûte "tit, tit, tiwit". Sous la berme un terrier, un berceau de lichens, quatre œufs blancs. Par l'étendue d'amples vaisseaux, sur le douaire des eaux, plane l'estive de la Centrale.
Premier coup de heurtoir ! Le fleuve suspend son chant, chaque rive s'avance.
Le ciel est vide, vide, vert. L'imméritée consolation des
hautes heures, l'appel de l'Innomé.
La chair des mots
texte de Christian Lippinois ©
dessin de Lucien Arlaud ©
tapisserie de Catherine Lippinois ©
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