Le lais de mer s'effile vers le nord. Un miroir y dispute son tain au jusant qui d'avoir tant couru se relaisse. La vase est bleue plus que le ciel. L'île ébroue sa crinière. La faïence des plages se défait sous la griffe. Pauillac imprègne la rivière : le timbre d'un camion, la conque d'un chaland, l'effluve des naphtes. L'angélus éparpille ses clarines sur l'estran. Midi tremble sur les toits.
L'alêne de mer est sous l'emblée des eaux. Un songe de limon, les roselières, le phare et la forêt des frênes. La maison du veilleur s'édulcore d'embrases de sureaux. Dans l'ombre pleurent des figues, un arbre étend sur le courtil un geste de futaie. Sur la margelle l'aire du circaète, sur l'aubarède l'orbe, l'aile ample en brise. Dans la chambre du feu l'anachorète rime avec l'oiseau. Midi rudoie l'éteule.
Le lais de mer se cabre sous le mors, l'écume au loin le frange. La brise étire une étole de mouettes. La galène d'un banc éblouit Trompeloup, soude l'île au palus. L'oreille du pêcheur est sur les eaux. Ce rot, est-ce le râle du maigrat ou l'étrille d'un rat ? Le livre des heures glisse à terre, l'ermite geint, ses yeux sont deux grelots. Le circaète, camail flammé de roux, alvéole d'ambre sous l'arcade, s'élance et plane sur la lande.
Le fleuve installe sa métrique. La brise va, les scirpes crissent. Aux gerces de l'étier la vipère chasse, carne brûlée, museau d'écaille serti d'os. Le circaète taille la brise, facule d'or sous l'arc farouche, plastron grège moucheté de brun. L'ermite cherche un adoucissement aux brûlures de l'âme. L'été culmine sur la haute naissance des vents. La mer est au parloir, midi s'obstine en lames d'or.
La plèvre des limons bleuit. Franchissant le vitrail de son souffle,
l'anachorète s'élève sur son corps. Une fission d'écrins
exalte ses névés. Sur le dôme des eaux, brasillement
d'atomes, haute vallée de la Centrale.
La chair des mots
Circaète Aigle migrateur qui fréquente
en été les îles de l'estuaire.
Etier ou estey Ruisseau de drainage des
palus.
Estran Portion de rivage découverte par la marée.
Lais Terres que mers ou rivières laissent en se
retirant.
Maigrat Poisson migrateur qui vient en été frayer
dans l'estuaire. Les pêcheurs, l'oreille au fond de la barque, guettent
le grognement du mâle.
Scirpe Jonc des palus
texte de Christian Lippinois ©
dessin de Lucien Arlaud ©
tapisserie de Catherine Lippinois ©
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