Lettres d'estuaires
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Icône du Sagittaire
21 novembre - 20 décembre

© Lucien Arlaud


La mer entre en prouesses, ô francisque du vent, civelle, onction d'étain. La nuit se plaît aux graves entretiens. Le phare à Patiras ouvre son lumignon, des courtines de pluie ondoient sous le faisceau. Le gardien tire à Blaye le vin de sus sa râpe. Coup de fusil dans les palus, tintamarre de lune dans les verrines du levant. La rivière prononce l'acceptation paisible que puisse naître en elle la parole du flot.

Un falot vire en baie, aux fanges des esteys on puise la pibale. La lune mire à Patiras le potager du phare, les choux pommés, la glèbe mauve. Au jubé de Plassac le grégorien des rides. L'ermite dodeline et ploie sur la bougie –Ouh ! sa barbe grésille. Quenouille du suroît, corme d'une hulotte. La comtesse au château brûle une lettre ancienne, le vent pousse la croisée. Dans l'embrasure le fleuve est un trou noir. 

Le gardien de jusant regagne Patiras, dans sa yole un goret. Sa femme a pris dans l'île le quart à la lanterne, ô lactation des nues ! La nuit s'apique, l'étoile radie, l'ermite lit les Centuries. La brume tombe à Trompeloup, un cargo avalant corne sous l'étouffade. La comtesse à l'étage éclaire la veilleuse. Petite fille, les hommes avaient, rondeur des jours, une grandeur qu'ils ont perdue –une grandeur !

Le jusant renvoie les eaux les mains vides. Un crevettier –la brume expire –entre à la Maréchale, l'ancre en pendille tombe au calvaire. Du cargo l'officier observe le château. La dernière lampe s'éteint, sa mère tire le rideau. Sur tribord on entend comme un cri de goret. Est-ce une âme qui ploie ? Un aviron geignard ? Qui vive ! Ebouriffe des eaux, voix creuse du gardien. Aux moraines de Braud roulent des grains de lave.

Mais le carquois s'épuise. A l'échine des eaux bat l'oraison jaculatoire. L'ermite gît, un spasme prophétique fiché dans le garrot. Pais, bourgade des îles ! La ténèbre n'est qu'oubli, déni de joie. Le soleil invaincu sur la paille du solstice.
 
 

© Catherine Lippinois

La chair des mots

Apiquer Le marin hisse haut le pic pour déployer la voile.
Avalant Qui fait route vers l'aval.
Civelles ou pibales Alevins d'anguilles qui remontent l'estuaire en hiver.
Goret Les Médocains se rendaient en yole à Blaye pour la foire de la Sainte Catherine. Ils y achetaient un goret pour l'engraisser.
Pendille L'ancre pend au bout de sa chaîne, prête à être larguée.
Râpe Les peaux des raisins qui fermentent en cuve avec le vin.

texte de Christian Lippinois ©
dessin de Lucien Arlaud ©
tapisserie de Catherine Lippinois ©

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