Lettres d'estuaires
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Le Port de Plagne... d'hier à aujourd'hui !


C'était un petit port au bord de la Dordogne
Où jadis, accostaient les vaillants gabariers.
Forgeron de marine y avait sa besogne,
Fournissant maintes pièces aux importants chantiers
Qui, à deux pas de là, fabriquaient des gabares.
Sur les quais s'entassaient de très nombreux tonneaux
Certains remplis d'un vin d'une qualité rare
Que l'on embarquerait vers le port de Bordeaux.
D'autres, prêts à remplir, produits par les fabriques
Où bossaient tout le jour de braves tonneliers
Utilisant merrains au veines magnifiques
Que, de la Haute Auvergn' " couralinss " apportaient.
Il y avait aussi d'énormes tas de pierres
Extraites des carrièr's de Prignac et Marcamps
Et qui navigueraient tantôt sur la rivière
Pour rejoindre à la ville les gars du bâtiment
Attachés à donner aux quais belle couronne
Que l'on peut admirer encore en notre temps…

.. Au p'tit bistrot plagnais se retrouvaient plein d'hommes.
Gabariers, tonneliers y trinquaient en chantant.
Après leur dur labeur, ils s'offraient une pause
Avant de repartir vers les lieux du boulot
Les uns affronteraient du mascaret les bosses
Les autr's retrouveraient " l'atelier aux tonneaux "…

…Mais il y avait aussi les " fanas de la pêche "
Qui parcouraient les eaux, en traquant le " créa ",
Ce poisson dont les œufs, nettoyés à l'eau fraîche,
Fournissaient le " caviar " qu'ils ne goûteraient pas.
Le forgeron malin se montrerait moins sage
Et, lorsqu'on lui portait les boîtes à sertir,
Il prendrait son salaire en nature et je gage
Qu'il arrosait les grains précieux d'un élixir…

…Ainsi vivait le port en ses années de gloire !
Mais hélas ! apparut le sinistre progrès
Le chemin d'fer tua le trafic des gabares.
Et Plagne s'endormit, ses peyrats envasés.
À deux pas, se mourait aussi une voisine
Qui avait autrefois connut l'animation.
Les moulins fièrement plantés sur la colline
Étaient abandonnés sur le vieux Montalon…

…Les moulins décoiffés ont cessé leur musique
Mais Plagne a retrouvé un peu d'activité
On y a installé une halte nautique
Et le dimanche, au larg', croisent quelques voiliers,
Pourtant, lorsque, la nuit, au bord de la rivière,
Je viens faire courir tranquillement mes chiens
Je rêve aux temps passés et, en secret, j'espère
Pour l'ancien petit port, un meilleur lendemain…

…Pourquoi ne pas donner un' nouvelle jeunesse
Aux façades ruinées dont les yeux sont éteints ?
Un petit piano-bar permettrait que la liesse,
Qui régnait autrefois dans le bistro ancien,
Retrouv' droit de cité au-delà de la fête
Que l'on a reconduite au milieu de l'été.
On pourrait même ici ouvrir une guinguette
Où les gens du pays aux plaisanciers mêlés,
Danseraient la java, le scottish ou la valse
En mêm' temps qu'le boogie, le rock ou la salsa

Plagne ainsi revivrait de façon magistrale
Et Montalon là-haut rirait de ses éclats.
Les temps nouveaux venus n'auraient plus jamais honte
En pensant aux anciens, trop souvent regrettés.
Car il n'y a, après tout, qu'une chose qui compte :
Que les lieux hier vivants soient encore animés !

© C. Bardeau

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