Les canards s'en lavent les pattes

En canot sur la Gironde :
 
Randonnée nautique à bord du canot Plénitude

par Jean-Bernard Forie


Mercredi 17 juin

Au lever du soleil c’est marée basse et j’en profite, laissant mon canot échoué au sommet de l’estran, pour faire le tour complet du cordon dunaire qui délimite Bonne-Anse, en commençant par l’extérieur.

Pointe ultime de l’estuaire : j’avance sur l’estran dénudé piqueté des petites taches blanches que font les oiseaux de mer posés au loin en bandes nombreuses. J’avance encore : ciel bleu, vent de terre et l’océan devant nous. J’avance toujours, le phare de La Coubre domine de sa masse la grande plage de la presqu’île d’Arvert. Je m’arrête et fouille du regard les flots, comme je l’avais fait l’année dernière quasiment au même endroit. La passe à terre est praticable cette fois-ci, et de petits bateaux de pêche s’y engagent devant moi. J’en sais assez, je fais demi-tour, en repassant cette fois-ci par l’intérieur du cordon dunaire qui cerne l’anse.

Ce retour vers l’endroit où m’attend mon bateau est un petit rêve d’herboriste.

Chardons, immortelles, oyats… Chardons, immortelles, oyats…

On passe progressivement d’une végétation de zone humide, jusqu'où parviennent les grandes marées, à une végétation dunaire où quelques bosquets de pins laissent progressivement la place aux chardons et aux oyats.

Au fond de Bonne Anse Au fond de Bonne Anse
Au fond de Bonne Anse Au fond de Bonne Anse
Le butin du marcheur, dérisoire, mais utile, plus tard...
Le butin du marcheur, dérisoire, mais utile, plus tard…

Je retrouve Plénitude un peu avant que la marée montante ne nous remette à flot. Je ramène à bord une volige, un morceau de palette et autres menues trouvailles ramassées dans les dunes. Rien ne se perd ! Dûment rincés et poncés, ces morceaux de bois seront transformés en étagères, patins à vase (ils manquent à bord) et autres tasseaux qu’il est inutile d’aller chercher dans les grandes surfaces de bricolage dès lors que le hasard me les procure gratuitement.

Dans la passe « à terre »
Bouée 8A
Bouée 8A

Dès que cela m’est possible, en milieu de journée, je quitte le havre qui m’accueille avec l’aide d’une faible brise de nordet. Je tire quelques bords pour rejoindre la passe qui longe la plage de La Coubre. L’un d’eux m’amène jusqu’à une bouée du chenal, ce qui est utile pour estimer, par le sillage qu’elle laisse, la force et la direction du courant.

Des voiliers habitables, au moteur, me dépassent pour s’engager dans la grande passe de l’ouest. Pour ma part, je rase la rive sableuse et m’engage dans cette « passe à terre », comme on l’appelle ici, qui permet de rejoindre Oléron en faisant l’économie du contournement par l’ouest du banc de la Mauvaise.

Cette passe est si difficilement praticable qu’elle en est devenue mythique. Les conditions nécessaires à son franchissement en toute sécurité sont en effet rarement réunies : vent de secteur est, marée haute et absence de houle. J’ajoute qu’il y a très peu de fond dans cet endroit.

Et précisément, nous sommes à cette heure en début de marée descendante, par beau temps et vent de terre. Sur une eau plate comme un lac, je tire tranquillement quelques grands bords contre le nordet. Les dunes de la presqu’île d’Arvert montent lentement à l’horizon. Je défile devant le phare de La Coubre. Dans ces conditions, continuer ainsi jusqu’au pertuis de Maumusson, quelques milles plus au nord, est extrêmement tentant.

Dans la « passe à terre » Dans la « passe à terre »

Dans un sursaut de volonté, je fais demi-tour. Le temps dont je dispose est trop limité, ce sera pour une autre fois.

Retour au portant. La marée a baissé, et le manque de fond dans les parages se fait sentir sur la houle minuscule qui se creuse ici et parfois déferle. Rien de bien méchant, mais cette façon de voir la mer enfler brusquement au contact du fond et se cabrer jusqu’au déferlement me donne des poussées d’adrénaline ! Comme un adversaire sournois qui attendrait le moment propice pour décocher par-derrière un mauvais coup.

L’immense tangon en bambou stabilise la voile et limite le roulis L’immense tangon en bambou stabilise la voile et limite le roulis

Je me dégage de là le plus vite que je peux puis traverse l’embouchure de la Gironde en diagonale jusqu’à la Pointe de Grave. La houle d’ouest, après quelques heures de brise thermique, car le vent a tourné, grossit et il faut de la concentration à la barre. Devant le Verdon le courant bute sur le rétrécissement du bras de mer à cet endroit. La houle se désagrège en un clapot chaotique où il est difficile de garder un cap correct et la voile bien gonflée. Le courant de flot, heureusement, agit comme un tapis roulant et me dégage de là. Ensuite, je rallie l’anse de la Chambrette, au Verdon, où je passe la soirée au mouillage, sans mettre pied à terre. Peu d’agitation sur l’eau, malgré la proximité du nouveau port de plaisance : Port Médoc.


Mardi 16 juin | Jeudi 18 juin


 

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