Les canards s'en lavent les pattes

En canot sur la Gironde :
 
Randonnée nautique à bord du canot Plénitude

par Jean-Bernard Forie



Mardi 11 juillet - Bonne-Anse

Le retour du flot, en fin de nuit, ne me réveille que lentement. Je prends le temps de ranger mes affaires puis appareille en conservant par prudence le ris pris hier après-midi. À l'abri de la côte, la brise est faible, et je n'avance pas vite. Je descends ainsi l'estuaire en longeant la côte saintongeaise, tirant comme la veille des bords contre le vent de nord-ouest qui forcit un peu.

Au milieu de la journée j'atteins Bonne Anse. Comme à chaque fois la recherche de la passe d'entrée est une vraie énigme, tellement les bouées du balisage, très petites, sont difficiles à distinguer du fond d'un canot au ras de l'eau. La passe le long de la côte existe encore, mais à la différence de mon passage en 2004, elle se comble progressivement et n'est plus balisée. La passe actuelle s'est déplacée vers le sud et le rivage où j'aborde a profondément changé.

Mais l'eau se retire et sur d'immenses étendues il n'y a plus de fond. Pas d'autre solution que d'amener la voile et de tirer sur les avirons, à midi, en plein soleil.

Enfin le canot se présente à l'entrée du chenal. Le très fort courant de jusant et le manque de fond m'obligent à mettre pied à terre. Dans ce paysage de sable, de lumière intense et d'eau salée, je hâle le canot au bout d'une longue amarre, trébuchant à chaque pas dans le sable de la rive que le courant vient juste de déposer et où le pied s'enfonce. J'avance lentement, le vent me dessèche et le soleil me brûle mais après une heure d'effort, me voilà dans l'anse, à l'étale de marée basse, échoué au bord d'un grand banc de sable. Après un casse-croûte rapide, j'ai tout loisir de regarder les oiseaux à la jumelle, pendant qu'ils chassent les poissons pris au piège dans quelques flaques d'eau. Un héron en arpente ainsi une de ces flaques situées tout près de moi. Une détente rapide de son long cou et un éclair d'argent frétille une fraction de seconde dans son bec brusquement redressé à la verticale avant d'être englouti. Le jeu se prolonge, c'est l'heure du festin !

Bonne-Anse

Puis le courant s'inverse, l'eau revient, les oiseaux s'envolent. Le rugissement des hors-bords et des jet-skis remplace les appels des mouettes. Ancré sur un banc de sable qui vient d'être rapidement recouvert d'eau, je continue mes observations à la jumelle.

Le vent passe à l'ouest et forcit. Le mouillage devient inconfortable à cause du clapot, inutile d'espérer y faire une sieste. En effet la prise au vent du mât est suffisante pour faire embarder le canot, qui roule en travers des vagues et tire continuellement sur son mouillage d'un bord sur l'autre. Il me faudrait un petit mât de tapecul, à l'extrême arrière, où établir une voile bordée plat pour faire rentrer l'étrave du bateau dans le lit du vent.

Je finis par lever l'ancre pour me réfugier, à force d'avirons, dans le port de La Palmyre, bien à l'abri de sa digue. Je débarque sur un ponton et vais me dégourdir les jambes. Le vent d'ouest souffle au maximum de sa puissance, en ce milieu d'après-midi, et sur l'eau s'entrecroisent les sillages des planches à voiles, catamarans et autres « kite surfs », dont les parachutes tournoient dans le ciel. A cela s'ajoute la clameur joyeuse des bords de plage, car la foule est venue des campings et villages environnants pour se baigner.

Après avoir pris deux ris, et cargué ma voile, je quitte le port à l'aviron. Une rafale qui tourbillonne dans l'avant-port m'envoie sur la digue mais je me dégage et déploie la voile en un tournemain. Je prends tout de suite de la vitesse et sors du port. Mon intention est de rejoindre le fond de l'anse et d'y trouver un endroit tranquille pour l'escale du soir. Je louvoie donc lentement au milieu de toute l'agitation du plan d'eau. Je repère une portion de rivage peu fréquentée bordée d'une petite dune. Le vent m'y pousse, aussi, dérive et gouvernail relevés, voile amenée, je jette le grappin dans si peu de fond que le bout de ses pattes émerge : ici je serai bien.

La soirée à terre est très calme. L'eau baisse rapidement et l'anse se vide, chassant les baigneurs et amenant des bandes d'oiseaux qui viennent occuper avec de grands cris les espaces que le jusant découvre.

Puis le soleil bascule à l'ouest derrière la dune et le pinceau du phare de La Coubre commence à balayer l'endroit devenu obscur et silencieux.

Nuit.
 

10 juillet - Saint-Georges-de-Didonne  |  12 juillet - Le Banc de la Mauvaise 


 

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