Les canards s'en lavent les pattes

En canot sur la Gironde :
 
Randonnée nautique à bord du canot Plénitude

par Jean-Bernard Forie


Lundi 10 juillet - Saint-Georges-de-Didonne

Réveil 5h30, départ 6h15, arrivée au Verdon vers 8h50. Je retrouve la cale d'accès libre et gratuit qui se trouve maintenant avoir pour voisine la nouvelle marina de Port Médoc où je fais un petit tour à pied. Bateaux sans intérêt, capitainerie orgueilleusement perchée comme une tour de contrôle, pas de présence humaine, rien que du banal, du prétentieux, du superficiel et du snob. Je n'ai rien à faire ici.

Je me lance dans les préparatifs de mise à l'eau. Tout trouve sa place assez vite à bord. Je gare la voiture et la remorque sur un parking de Port Médoc et reviens embarquer. Départ sous l'œil amusé d'un pêcheur qui vient taquiner la crevette en poussant dans l'eau un filet triangulaire tendu entre deux bâtons. Je me dégage à l'aviron, et sans craindre le vent et le courant contraire, j'atteins l'anse de la Chambrette, contiguë à Port Médoc, où je jette l'ancre. Il est déjà 11h30. L'anse n'est pas seulement un mouillage tranquille où quelques bateaux tirent sur leurs corps morts, c'est aussi une plage, avec un club de voile légère : l'endroit retentit donc des cris et des exclamations des enfants qui se baignent, des parents qui les appellent, de la monitrice à la voix perçante qui houspille sa flottille d'Optimists, des chiens qui aboient ! Tout cela forme une clameur incessante, jointe à celle plus entêtante du petit ressac qui chuinte continuellement sur la plage. On s'endormirait plutôt. C'est vrai, les nuits précédentes dans la fièvre de la préparation ont été courtes ! En attendant le retour du flot je déjeune à bord, en jouissant du spectacle de toute cette agitation débonnaire.

13h, appareillage, cap sur Talmont, sur la rive saintongeaise, au vent arrière par brise faible.

15h, en baie de Meschers. La brise se renforce, et je suis emporté par le courant : à toute vitesse je longe la falaise remparée de Talmont. L'idée d'y faire escale ne m'attire guère : trop de touristes et de commerces, pas d'intériorité, pas de profondeur ;  ce n'est pas le moment. Me vient aussitôt l'idée d'aller faire une petite escale en baie de Chant Dorat, juste à côté. Je longe la falaise de Cornebrot, mieux je la rase de près, de tellement près que je m'engage dans le fil d'un pêcheur installé sur une petite corniche. Je vire de bord et son fil se dégage d'un coup, plombs et hameçons compris, en passant au ras de mon visage !

Petite escale en attendant la renverse, en mettant un peu d'ordre à bord, en réduisant la voilure car la brise d'ouest forcit encore. Petite escale aussi pour s'habituer au rythme de cette navigation, et pour faire un peu la sieste.

La renverse a lieu vers 17h30, et j'appareille pour Bonne Anse.

Aidé par le jusant, je longe la côte, butant dans ce clapot que l'opposition du vent et du courant dresse devant l'étrave. L'embrun vole et la progression devient laborieuse. Une bordée m'amène au pied de la pointe de Suzac, où le clapot, perturbé par des remous, chuinte de si étrange façon. La lumière décline, la soirée s'avance, et je suis juste dans la baie de Saint-Georges-de-Didonne. Il est impossible d'atteindre Bonne Anse et je n'ai pas envie de faire escale à Royan, cité bruyante soumise à l'agitation touristique. Je prends donc la décision d'aller passer la nuit dans le petit havre de Saint Georges.

La marée a déjà beaucoup baissé et en approchant de l'entrée de cet abri ma dérive touche les roches du fond. Il faut relever la dérive, amener la voilure et continuer à l'aviron, contre le vent, qui en rafales brusques tombe de la côte et contre le clapot. Mes avirons ne sont pas très adaptés à ce travail, trop courts et avec des pelles trop petites. C'est donc très lentement que je me glisse, quasiment au crépuscule, au milieu des bateaux amarrés à leur corps morts. La jetée trop courte protège mal les petits bateaux qui s'abritent ici de la faible houle qui entre dans l'anse. A la recherche d'un endroit le plus tranquille possible, je m'approche de la petite plage, tout au fond de cet abri, et, sans assez d'eau pour l'atteindre je m'échoue tranquillement sur un lit de vase molle.

Fatigué après cette première vraie journée de navigation, je me hâte de prendre un repas froid, sortir de son sac étanche mon duvet et étaler la petite voile d'artimon sur les bancs et les avirons pour me protéger du froid et de la rosée. Allongé sur le caillebotis au fond du canot, je ne tarde pas à m'endormir paisiblement.


Présentations | Mardi 11 juillet - Bonne-Anse


 

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