Lettres d'estuaires
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Le vieux flamant rose de l'étang de Mauguio

L'horizon était tout liquide ;
Les nuag's couraient sur la mer ;
Le grand plan d'eau paraissait vide ;
Les oiseaux avaient fui l'hiver...
 
Pourtant, subsistait quelque vie,
Au cœur des graciles roseaux
Quelques flamants, en compagnie,
Nichaient là, au milieu des eaux.
 
Parmi eux, un vieux flamant rose,
Entouré de ses descendants,
Leur expliquant, entre autre chose
Ce qu'avait été le "vieux temps".
 
«  Autrefois, nous étions tranquilles!
Tous les étangs étaient à nous!
Loin d'ici, se tenaient les villes
Et le vent du sud était doux.
 
Autrefois, vivre était facile!
Les étangs étaient poissonneux!
Nous vivions, sans nous faire de bile
Bien nourris, car bien moins nombreux.
 
Certes, quand vinr'nt les "temps modernes"
Les marais furent assainis
Et nous pûmes, avec les "sternes",
Déguster quelques grains de riz.
 
Mais le Progrès eut ses lacunes,
Réduisit le nombr' des poissons,
En asséchant bien des lagunes
Diminua nos provisions
 
Puis disparurent les "paillotes"
Et s'élevèrent, à l'horizon,
Du Carnon à la Grande Motte
De bien étranges constructions
 
Lors affluèrent les touristes,
Bien moins sympa que les pêcheurs,
Affublés de visages tristes,
Fruit du "stress civilisateur".
 
Alors nous voici en "réserve",
Surveillés du matin au soir.
Des fonctionnaires nous préservent,
Mais dans tout c'la où est l'espoir
De la liberté, du grand large ?
Nous n' sommes plus que des numéros,
Bagués, ne pouvons vivre en marge
Prisonniers de ce monde idiot. »
 
Les p'tits flamants baissaient la tête.
Regrettant d' n'avoir pas connu
De leur papi la vie si chouette.
Ils étaient tous un peu déçus.
 
« Comment donc se retrouver libres 
Pouvoir partir bien loin d'ici,
Vers des pays où l'on sait vivre
Sans contrainte et sans bagues aussi. »
 
 « Allez! Courag' ! dit le grand père.
Une très longue migration
Peut vous sortir de la misère
De ce monde voué au "pognon". »
 
Je resterai, avec mes rêves,
Sur le grand étang de Mauguio
La fin de ma vie sera brève !
Je veux mourir dans ces roseaux !

© C. Bardeau, Lunel le 13 mars 2003

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