Les canards s'en lavent les pattes

En canot sur la Gironde :
 
Croisière 2008 à bord du canot Plénitude

par Jean-Bernard Forie


Mercredi 9 juillet

Comme hier, il fait grand beau temps, mais le vent est absent. Un souffle trompeur m’aide à sortir de l’anse, mais ensuite c’est le calme plat, alors que la marée descend. Je risque d’être entraîné dans le grand chenal de navigation, hors de l’estuaire. Mais le long de la côte de la Palmyre, je repère un contre-courant qui me permet de progresser vers Saint-Palais. Aidé alternativement des avirons et de la voile, je longe la côte de très près et parviens à la hauteur d’un petit groupe de blockhaus à demi enfoncés dans la mer, mais à partir de cet endroit je n’avance plus, ou si peu…

Grand calme et petites dérives

Le soleil maintenant quasiment vertical me brûle sans répit, l’ombre de la voile est infime, le bois du banc où je suis assis devient bouillant et j’ai soif. Plutôt que d’être entraîné en arrière par le jusant, je choisis de jeter l’ancre au bord du rivage, dans quelques mètres d’eau bleue. Sur la plage, près du lieu-dit La Grande Côte, des vacanciers marchent, courent, se baignent ou restent allongés. Parfaite ambiance de vacances où ne retentissent que des rires et des cris d’enfants qui jouent. Les plus hardis sont montés sur les blockhaus entourés d’eau, et je regarde ce spectacle estival, très mollement bercé par un peu de clapot. Le temps passe à ne rien faire.

Mais cette escale ne peut durer éternellement si je prétends arriver un jour quelque part. Un embryon de souffle d’ouest me décide, en espérant que la brise de mer se renforcera progressivement, à lever l’ancre et mettre le cap sur le plateau de Cordouan.

Mon espoir est progressivement déçu. La brise ne s’établit jamais vraiment, et je dérive plus que je n’avance, emporté par le courant de jusant, puis par celui de flot. Je vois donc le phare défiler au loin devant mon étrave par bâbord puis par tribord au gré des courants de marée, sans jamais pouvoir m’en approcher suffisamment, et surtout sans jamais pouvoir l’aborder par l’est, de manière à éviter les battures qui défendent le côté ouest du plateau rocheux, où la mer déferle. Avec une lenteur de gastéropode, je parviens donc à parer tous ces dangers puis à atteindre Talmont en début de soirée, enfin.

Port de Talmont Port de Talmont

Je tourne mes amarres aux poteaux d’une estacade restée libre dans le port, et vais à terre me dégourdir les jambes. Je trouve cette petite cité presque vide, très calme et silencieuse, à ma grande surprise. En cette saison, c’est presque incroyable. Mais il vrai qu’il est tard, la soirée s’avance sans que l’on soit pourtant à l’heure du coucher du soleil, et les flots de touristes qui envahissent habituellement les rues et ruelles du village, comme obéissants à un mystérieux signal (l’heure du dîner ?), sont tous partis.

Port de Talmont 3
Port de Talmont 3

Je peux donc jouir seul de ce lieu magnifique que la lumière rasante du soir embellit encore plus. Les visiteurs qui se pressent ici tout le jour n’ont vu qu’une église et des maisons d’un blanc rendu aveuglant sous la lumière crue du soleil. À l’inverse, il m’est donné, à l’heure où je passe, de pouvoir admirer ce même endroit perché sur l’estuaire au moment où les vieilles pierres se teintent lentement, avec le déclin du soleil, de nuances bleuâtres, grises ou mauves.

Talmont Talmont

La nuit passe sans évènement particulier.


Mardi 8 juillet | Jeudi 10 juillet


 

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