Les canards s'en lavent les pattes

Croisière 2005

par Jean-Bernard Forie
Photos : Jean-Bernard Forie


Lundi 22 août 2005

7h30 : promenade à terre, en attendant le retour du flot. Le mascaret vient balayer la rive, mais sans atteindre Plénitude. L’eau monte vite, cependant, et à 9h nous partons. Le soleil est le bienvenu pour réchauffer l’équipage et craqueler la croûte de vase qui recouvre tout à bord.

Rien n’est simple pour remonter la Garonne

Brise portante encore, de secteur nord-ouest, qui varie constamment d’une vingtaine de degrés d’un bord sur l’autre. J’atteins Cadillac, puis Langon, au terme d’un étonnant festival d’empannages.

L’écluse de Castets-en-Dorthe
L’écluse de Castets-en-Dorthe, où commence le Canal du Midi.

Parvenu à Castets-en-Dorthe, la marée montante s’évanouit.

Le château de Castets
Le château de Castets, qui surplombe l’entrée du Canal du Midi.

Avec l’aide de quelques souffles tourbillonnants, je tente de progresser jusqu’à Caudrot, mais la brise est très variable en force, et quand elle calmit je recule sous l’action du courant. C’est un vrai jeu de patience : avancer, reculer, rester immobile, avancer, reculer encore… Mais qui dit canot voile – aviron dit capacité de se mouvoir à l’aviron, et c’est par ce moyen que j’atteins enfin la cale de Caudrot. J’y fais une longue halte pour nettoyer et ranger le canot. Mais l’appel de l’amont est le plus fort et je repars.

De nouveau, je capte de la brise, et je remonte facilement le courant, mais les empannages se succèdent et ils sont violents. L’un d’entre eux se termine de manière cocasse : le balestron se mâte à la verticale et un gros pli de toile encapuchonne la tête de mât, tordant la girouette. C’est tout un travail de démêler la voile. Cet incident est classique avec les voiles sans bôme, qui se replient complètement sur elles-mêmes au vent arrière si on n’a pris la précaution de les tangonner.

Je navigue toujours à la voile, mais le fond diminue et il faut relever la dérive, puis le gouvernail. Là où je parviens, la Garonne est très basse, de grands bancs de gravier émergent, et il ne reste bientôt plus qu’un étroit chenal plus ou moins torrentueux et encombré par endroits de rochers.

La Garonne en été
La Garonne en été, eaux basses, bancs de gravier à sec.

Il faut recourir au halage le long de la berge. Le lit du fleuve, à un endroit, se réduit à une dalle rocheuse très glissante formant un plan incliné d’une dizaine de mètres, où dévale continuellement une lame d’eau de quelques centimètres à peine d’épaisseur, sur laquelle il faut faire grimper le bateau. Je pousse, je tire, en m’imaginant que les Vikings qui menaient leurs raids en l’an 800 à l’intérieur des terres ont affronté des difficultés bien pires avec leurs longues barques. Peut-être que leurs mânes se sont rassemblés au bord de l’eau pour m’aider, parce que, contrairement à ce que je redoutais, je passe l’obstacle avec une surprenante facilité. Et le halage continue.

Plus loin, enfin dégagé de ce genre d’obstacle et des bancs de gravier qu’il faut longuement contourner, je peux continuer à l’aviron. À combien de kilomètres suis-je encore de La Réole ? Plus beaucoup sans doute, mais je considère que c’est assez pour cette fois-ci, et je fais escale pour la nuit à proximité d’une cale qui s’avance dans le lit de la rivière comme une sorte de grosse digue.

L’escale du soir
L’escale du soir à proximité de La Réole.

Après une journée de navigation, c’est un plaisir de faire halte dans cet endroit désert. La météo prévoit de la pluie pour la nuit, aussi je déploie le taud de grosse toile enduite de PVC rouge sur les bancs, et je me glisse dessous pour m’endormir très vite.


Dimanche 21 août | Mardi 23 août


Estuaire intime En canot sur l'estuaire
Aller en haut de page

 

© Conservatoire de l'estuaire de la Gironde