Les canards s'en lavent les pattes

Croisière en gabarot - septembre 1994

par Jean-Bernard Forie


Dimanche 12 septembre 1994

Sept heures du matin, marée montante, temps calme, pas de vent, pas de houle : c'est le moment ou jamais de tenter quelque chose. La barque est allégée au maximum, tout le matériel est à l'abri. Le propriétaire du petit jardin où j'ai déposé mon matériel me permet de l'y laisser un ou deux jours, au moins. Je pousse alors l'Espérance sans trop de difficultés sur un lit de galets et la mets à l'eau par l'arrière. Cette partie du bateau, avec son petit tableau, possède une meilleure flottabilité que l'avant et soulage mieux dans les petits brisants. Moins d'un quart d'heure après la mise à l'eau j'entre dans le véritable port de Talmont, ouvert au sud-ouest, et je m'échoue sur la cale en pente douce. Le vent se lève alors, avec l'arrivée d'un chapelet de grains. La houle se forme et le ressac bouscule plus durement mon lourd compagnon de bois goudronné. Je dois rester sur place, raccourcir les amarres, vider l'eau des embruns.

Voici alors que quelqu'un s'approche, descendu d'une voiture confortable. La cinquantaine très verte, habillé d'un beau pull marin où est brodée l'image d'une barge de la Tamise, Bernard Mounier donne l'image du passionné raisonnable. Mon aventure l'intéresse extrêmement, il me mitraille de questions, m'aide à tirer le bateau au sec et à l'amarrer solidement. Je prends à ce moment la décision d'arrêter là la croisière faute de temps pour rentrer à Bordeaux à la voile seule, sans gouvernail, et avec un morceau de mauvaise planche pourrie comme dérive, alors que le temps se dégrade encore, et peut-être pour longtemps.

Fort aimablement, Bernard Mounier me conduit à la gare et m'invite à dîner pour le lendemain car il réside à Talmont. Me voilà donc sur le quai d'une gare, dans la campagne charentaise, mon haut de ciré roulé sous le bras, et toujours trempé. A seize heures environ je retrouve la maison familiale à Bordeaux et après un bref repas suivi d'une bonne douche, je me glisse dans mon lit pour douze heures d'épais sommeil.


Samedi 11 septembre | Lundi 13 septembre

 

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