Lettres d'estuaires
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Goéland - Poèmes de Jean-Paul Loubes

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Lîle invisible

Elle parle d'une île
A peine émergée
Plate
Une langue de sable
Une écume étalée
Sur le miroir platine

Sous la masse liquide
Aimantée par la lune
Des étoiles magiques
Tirent des fils cachés

Elle proclame essentielles ces infimes tensions
Craquelures
A elle seule visibles

La nuit ici bascule
Une aiguille apparaît
Un trait sombre qui flotte
Un contre jour qui meurt

Puis la mer reprends tout
Plomb fondu des méandres
Algues aux longs doigts tendus
Vers les vagues du ciel
Et le serpent ailé
A l'horizon de Tamara
"Dans la forme que le hasard et le vent
Donnent aux nuages"

Ses yeux cherchent toujours
Le chemin découvert
Tracé sur l'à peine île
Oublié
Par la mer retirée

Et son regard invente un tracé infini
Vers les déserts
Les lacs salés
Dont les mirages d'étain cuivré
Soudent le ciel à la plaque océane

Sur ce trait émergé
Autrefois parcourus par des hommes pressés
Qui se rendaient aux parcs
Une infime brindille
Une araignée contre le vent
Le refuge de planche qu'elle nomme "perchoir"
Mot étrange a la mer

Cet insecte posé sur le trait du miroir
Elle le voudrait appui,
Origine,
Départ
Pour jeter depuis l'île
Vers la ligne où la terre se courbe
Un pont immatériel ou elle fera sa route
Un objet dont le vent rayerait les écailles
Tendrait les fils d'argent qui tissent des haubans

Elle ferait osciller cette aiguille géante
Affleurant balancier
D'une mer toujours plate
Dans un dernier éclat métallique
Une lame
Un ventre de poisson
Un éclair
Et désormais mes yeux cesseraient de la voir.

© J-P. Loubes

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