par Jean-Bernard Forie
Mercredi 22 avril 1992
Le temps s'oriente au beau, conditions idéales pour ramener le bateau à Bordeaux. Ce n'est plus pour moi, après les émotions de la semaine dernière, qu'un banal convoyage, aussi je prends le car avec un sac à dos rempli seulement de l'essentiel : un duvet, un ciré et une seule pagaie. Pour l'écope, je me servirai d'un bidon quelconque trouvé sur place. Le matériel de sécurité ? Bah ! Le gréement ? On essaiera de tirer quelque chose des débris de la voile de jonque. Les vivres ? Très frugal : sardines en boîte, quelques pommes de terre, oignons, pommes et un morceau de pain de campagne.
Deux heures de l'après-midi : me voilà à pied d'œuvre au port des Callonges. L'aventure peut commencer.
Je démêle patiemment l'affreux mélange de filins, de toile et de bambous qu'est devenu le gréement,
et je m'emploie à en faire quelque chose d'utilisable. J'enlève les bambous qui se sont à moitié arrachés
de la toile et je regrée une sorte de voile au tiers bômée, qui est très légère et qui
a bel aspect, malgré quelques déchirures. Je dois attendre que la marée ait suffisamment monté pour
que je puisse pousser le bateau à l'eau, et ensuite je viens m'amarrer à couple d'un petit crevettier. Je déploie
la voile sur mon duvet pour me mettre à l'abri de la rosée nocturne, et je m'endors. A 22h30, voilà que des
pêcheurs surgissent avec leur yole, et réclament l'emplacement où je suis. Dans l'obscurité froide je
me lève et largue les amarres. Me voilà de nouveau à couple de leur yole et je me rendors.