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avril, Blaye, sous la citadelle —Petit
jusant, temps gâché, Fort
Médoc dans le premier soleil.
Senteurs de l'herbe en fleur, les tilleuls
de la jetée lancent leurs feuilles.
Le temps est venu d'un premier regard
sur les textes calligraphiés,
coup d'œil sur le sillage, sur
le compas et sur la carte.
Sonnent
juste les textes qui exaltent la constance
des valeurs humaines sous les identités
dissemblables. Identités caractérisées
mais ouvertes sur le monde, communicantes.
Laisser voir sous la trame des mots ce
qui les rapproche et ce qui les différencie,
et par là éclairer la question
de la conservation du patrimoine, de l'héritage
par diffusion dans les sociétés
démarquées, dans la grosse
société. Oui, à travers
les textes calligraphiés, laisser
parler ceux qui ne trichent pas avec le
territoire, ceux qui endurent la fatigue,
le froid, parfois la disparition de leur
culture, ceux dont la parole pèse,
gens de la dure, de la parole nue, vérités
de toujours et de partout. Seule cette
parole peut rencontrer les hommes et les
femmes du fleuve, entrer en résonance
avec leur pratique, démultiplier
leur pensée, faire passerelle sur
l'avenir. Mais comment la faire passer
? Comment faire coexister cette dimension
humaine du territoire et une recherche
artistique ponctuelle ? Les textes calligraphiés
sur les draps ne représentent pas
la pêche d'estuaire dans sa matérialité objective,
mais en disent quelque chose. S'ils ne
représentent pas, alors que disent-ils
? Cela qui entre dans la mémoire
des peuples ? Une prophétie du
fleuve ? Une porte entrouverte sur la
disparition ? Sont-ils une danse qui veut
dépasser la disparition ? La dépasser
pour y mieux revenir ? |