Lettres d'estuaires

Port de Richard

PORT-DE-RICHARD

"The government killed us", he said

he was an old man
with a much-worn seaman's cap rammed on his skull
and it was a once neat harbour
on the banks of the Gironde

"they killed us off
when they set up that petroleum place
over to Bordeaux"

in the old days (only ten years ago)
they fished, a bunch of them, for sturgeon and eels –
now all the fish are cancered
you can see their backbones through the wasted flesh

"the bed of the estuary was packed with oysters
you could pick them up as easy as mushrooms"

now they've been raked away by dredgers
with only a few shells still nailed as reminders
above the lintels of the wooden shacks

as the old man talked about the days
when he'd be out there away in the open

("I took in my sails when the swallows passed
and when the swallows came back I was off again")
where the yellow waters mingle with the blue
I looked at the stone quays infested with weeds
hearing the sea wind sighing among the reeds.
 

PORT-DE-RICHARD

"Le gouvernement nous a tués", dit-il

c'était un homme âgé
une vieille casquette de marin vissée sur la tête
et ce fut autrefois un joli  port
sur les bords de la Gironde

"ils ont eu notre peau
quand ils ont installé cette raffinerie
là-bas près de Bordeaux"

naguère (il y a seulement dix ans)
ils pêchaient, lui et quelques autres, l'anguille et l'esturgeon
à présent tous les poissons sont nécrosés
on peut voir leurs arêtes par les trous de la chair

"il y avait des huitres dans tout l'estuaire
on les ramassait comme des champignons"

à présent, elles ont été ratissées par les dragues
plus que quelques coquilles clouées en souvenir
au-dessus des linteaux des cabanes

pendant que le vieillard parlait des jours
où il pêchait loin là-bas au large

("Je rentrais les voiles quand passaient les hirondelles
et quand elles rentraient, alors je repartais")
là où les eaux jaunes se mêlent aux bleues
je regardais les quais de pierre infestés d'herbes folles
et entendais le vent de mer siffler dans les roseaux.

© Kenneth White
Traduit de l'anglais par Marie-Claude White
"Les Rives du Silence"
Paris, Mercure de France, 1998.

© Conservatoire de l'estuaire de la Gironde