J'avais ouvert ma porte sur un couchant poudreux, un relent de marée
accroché aux charnières, et tel un pieu de chêne au
ventre d'un sol neuf, j'avais planté mon cœur aux remparts
de la ville.
Blaye s'était embrasée, fervente à mon étreinte,
s'offrant sans retenue à mon regard passant pour ensuite m'endormir
dans une nuit fidèle.
C'était il y a dix ans.
Ses vieux murs qui somnolent ont dessiné mes rides et j'ai l'impression
parfois que ma jeunesse s'enroule à leurs doigts de pierre pour
cimenter nos liens.
Souvent, lorsque le soir promène au bras du fleuve quelque ardente
flamme, je me blottis contre eux. Là, des parfums d'océan,
d'humus et de vin ambré déposent sur ma peau leur mélange
subtil et je deviens la Terre, et la Pierre et l'Eau grise et mes mains
se souviennent de ce temps qui patine, puissant et généreux.
La faconde, alors, vient me sevrer d'une larme, et je me retrouve nue sous
le manteau d'étoiles, le cœur éparpillé sur
ces brumes translucides qui hantent le Blayais.
S'il est un lieu où l'Homme, en promenant son rêve, peut s'arrêter
un instant sans en perdre le goût, c'est sans nul doute ici, dans
ce coin de patience, qu'il vibrera entier.
Les nuits sont telles des jours, suspendues à un souffle.
On y respire un vent de bonheur doux, feutré.