Au commencement
Il y a le ciel
Il y a la terre
Il y a l’eau
Eaux mêlées à la terre
Cieux réfléchis dans l’eau
Et si c’était le contraire
Miroir ô mon miroir ?
Le fleuve coule
Et je reste sur la rive
Voguerai-je un jour vers l’horizon ?
Me suis-je tant liée
Attachée à une ancre
Solitaire
Oubliée
Plantée
Enfouie dans la vase
Juste un regard
Un cercle
Un point de rive
Un œil qui cherche
Un rêve
Une rencontre
Une nouvelle amarre
Est-ce déjà le voyage ?
Donnerai-je un jour
Mon cœur à l’inconnu
Étrange frémi des courants ?
Comme un bateau fantôme
Échappé d’amarrage
Je rêve
Tantôt je m’enfonce
Sous la lame salée
Attirée vers l’espace
Mais je me tourne aussitôt
Apeurée,
Retrouver mon eau douce
Mon rivage
Petit bateau qui a des jambes
Fuyant les larmes du grand large
Je reviens me heurter
Aux sables du passé
Où je me suis embourbée
Entourée
Collée aux héritages des deuils secrets
Enterrée.
Où sont mes frontières ?
Les obstacles plantés
Les bois de retenue
Les parcs familiers
Conduisent mes yeux de rives en rives
Accrochent et collent mes pas
Lorsque se réveillent
Les matins chocolats
Aux relents de cognac
Accroupie sous la bâche
D’une plate journée
Je fouille la vie.
Les murs tapent la lumière
Elle vient de l’océan
Et me renvoie ses chants.
Je cherche la verticale
Mais tout parle encore de l’eau
Qui regarde l’au-delà.
J’ai vu les rives en dérive
Creusées par la force de l’eau
Entendu le chant des sirènes
Porté par l’air du vent
Qui a crié terre ?
La Fayette est de retour
Son vaisseau enraciné
Répare ses blessures
Frères, disait-il
Mais où sont-ils ?
Je ne peux aller conquérir
L’Amérique
Rêver de l’Atlantique
Construire la liberté
Tout est passé
Ou ai-je oublié
La force des grands-pères ?
À la guerre du large et du près
Je ne gagne pas
La marée montante
Casse les digues
Et demande inlassablement
Pourquoi semer dans la mer
Qui reviendra
Occuper son lit
Et manger mes récoltes.
Porté, supporté
Le poids de la tourmente
Demeure
Chasse gardée :
Interdit d’envahir.
Neptune se fout de nous
L’orgueilleux mortel
À l’image des Dieux
Qui a repoussé sa mort
Et cru dompter la Terre
Et se trouve aujourd’hui
Si fin, si sombre
Encore griffé
Encre de chine
Mais la rive conduite aux abîmes
Poétise.
Devenue miroir à son tour
Elle dessine un trait
Pour se souvenir
De la présence des hommes
Écueil si léger
Contre vents et vagues
Mante d’eau demeurée
Puis émergeant de ses ruines
Domptant encore ce vent
Retrouvant sa lumière
Elle répare
Gourmande
La douceur des portes protégées
Aux ports oubliés
Et s’imagine
Voguer
Doucement
Bellement
Alors
L’ombre d’un avenir navire
Flotte et me jette.
Est-ce le jour
Où quitter le rivage
Découvrir le voyage,
Voguer ?
Tendre appel
Vers une voie
Autre voix
Qui crie
De l’autre côté de la rive :
C’est dos à l’Orient
Qu’on découvre l’océan
© Isabel Habar-Depagnat
Isabel Habar-Depagnat a mené une carrière aux multiples facettes, avec deux orientations principales :
- La communication, en particulier dans le domaine culturel lors de la création du musée d’Orsay et comme chef de service pour une municipalité de la région parisienne.
- Son deuxième pôle d’activité a été l’intervention et l’accompagnement au sein de structures, venant en aide à un public en difficulté.
En outre, elle n’a jamais cessé d’exercer sa créativité dans la conception d’émission de télévision à destination du jeune public ou en écrivant des scénarii pour une série de feuilletons policiers radiophoniques, pour France-Inter.
Sa recherche constante de la beauté est pour elle un véritable art de vivre. Elle utilise en toutes circonstances ses cinq sens, sans oublier un sixième sens, son intuition, part importante de la création artistique.
Aussi elle a trouvé à exprimer sa sensibilité et son identité dans des formes d’expressions variées.
Elle pratique l’écriture avec des incursions dans le théâtre, le roman et la poésie.
La musique comme auteur, compositeur, interprète de chansons françaises à texte, dans la tradition d’artistes comme Barbara.
La photographie en témoin et lieu de mémoire d’émotions magiques et de moments privilégiés.