par Jean-Bernard Forie
Vendredi 19 juin
Pour rejoindre Port-Maubert où m’attendent voiture et remorque, il faut partir un peu avant l’aube avec le jusant. À ce moment précis, une petite bourrasque de vent et de pluie me fait hésiter. Pourquoi ne pas plutôt ramener ici mon véhicule au lieu de partir tirer des bords dans l’obscurité et sous la pluie ? La fatigue de cette fin de randonnée me rendrait-elle sage ? Une fois le jour levé et les nuages évanouis, je m’engage dans le sentier de randonnée qui vient d’être balisé à travers le marais. 17 km de marche dans une nature en fleur, au milieu d’une faune abondante d’oiseaux, lapins et ragondins…
Petite pause à mi-parcours à Port-Charron. Un endroit incroyable au bout de nulle part : un petit groupe de modestes cabanes qui semblent ne servir qu’aux beaux jours, une grande porte de fer noir pour réguler l’eau du marais, des estacades et quelques carrelets.
En face, la rive médocaine est perdue dans les lointains bleutés. Silence et immobilité. Mes pas me mènent face aux vestiges d’un carrelet dont il ne reste que quelques planches éparses et des poteaux noircis plantés de guingois dans la vase.
Je vois dans cette image une sombre métaphore de la vie. Comme si nous passions le temps, avec les rêves impossibles qui nous habitent, à édifier sans cesse par nos actes ou nos projets de fragiles passerelles vers un infini qu’elles n’atteignent jamais, avant de s’écrouler dans le néant.
J’arrive à Port-Maubert, il est midi.