Les canards s'en lavent les pattes

Croisière en gabarot - été 2003

par Jean-Bernard Forie
Photos : Jean-Bernard Forie


Mardi 29 juillet 2003

Au revoir, Cordouan L'au revoir à ce mouillage qui fut tellement agité !
Photo J-B Forie

L’aube de ce mardi me trouve tout poisseux et ruisselant de la rosée saumâtre de cette nuit confuse et pleine d’alarmes.

Je reste un long moment allongé au fond du canot, en quête d’une improbable rallonge de sommeil. Mais le temps passe, la marée baisse et il me faut agir.

La brise est faible, le temps gris, l’eau assez plate : en moins de deux heures, j’atteins les parages de Bonne Anse.

L’entrée dans cet abri est difficile à trouver : il faut longer la côte et raser les enrochements qui la protègent. Non sans avoir manqué plusieurs fois de m’échouer, je parviens à l’embouchure du chenal d’accès, aidé par la brise d’ouest portante. La remontée de celui-ci doit se faire contre vent et courant. Je tire bord sur bord en rasant les rives, sous l’œil amusé ou indifférent des promeneurs et des pêcheurs à la ligne. Les dernières encablures se font à l’aviron, car il n’y a plus assez d’eau pour descendre la dérive, puis en mettant les pieds dans dix centimètres d’eau, enfin en poussant le bateau dans la dernière mince rigole qui serpente au milieu des étendues de sable.

Bonne Anse, au bout du chenal d'entrée Bonne Anse, au bout du chenal d'entrée, à marée basse - Photo J-B Forie

Me voici arrivé à destination, pourquoi s’échiner à tirer le bateau plus avant ? Par acquit de conscience, car la marée va revenir, je plante ma petite ancre dans le sable et je monte sur un monticule de sable humide pour admirer les alentours.

Bonne Anse : sel, sable et vent

Après-midi à Bonne Anse Après-midi à Bonne Anse - Photo J-B Forie

La vaste zone circulaire que la marée découvre n’est pas le désert que l’on pourrait croire : une petite foule de pêcheurs à pied y trottine, achevant la fouille de l’étendue riche en coquillages et en vers de vase, tout en se repliant progressivement vers les berges. En effet, l’eau monte déjà, poussant à l’assaut de l’espace vide ses langues d’eau grise, et rapidement nous voici de nouveau à flot. Je largue la voile enroulée autour du mât et raidis le palan d’étarque du balestron. La dérive plonge dans son puits et nous voilà en route vers le fond du plan d’eau que je veux explorer. La dérive frotte sur le fond, mais j’arrive encore à remonter au vent avec une moitié de dérive et l’aide du courant. J’achève ma course tout au fond de l’anse, dans quelques centimètres d’eau trouble parsemée de petites mottes de terre recouvertes d’algues. Je prévois de revenir vers l’embouchure de Bonne Anse avec le vent portant de secteur ouest.

En peu de temps, je retraverse l’anse et atterris au pied de la petite dune de la Barre à l’Anglais. Je laisse là Plénitude avec ses voiles bien ferlées, et pars explorer ce cordon de dunes basses qui protège l’anse.

La Barre à l'Anglais, cabane aux oiseaux La Barre à l'Anglais, cabane aux oiseaux - Photo J-B Forie

C’est un espace vide parsemé des petites épaves qui sont la marque de l’activité et de l’inconséquence humaines. Les oiseaux de mer en ont fait leur refuge, et après une journée à survoler la mer à la recherche de leur pitance ils viennent s’y reposer. Je m’installe dans une petite cabane trouvée là et faite de planches, de branchages et de filets entremêlés.

Je m’y fais oublier de mes voisins ailés, mais ils me surveillent et, si je fais un pas dans leur direction, toute la bande s’envole avec de grands cris.

Je passe dans cet endroit une fin d’après-midi passionnante, bercé par la basse continue de la mer et les vocalises aiguës des oiseaux. Dans le chenal passe parfois un grand navire.

Au coucher du soleil, les oiseaux sont toujours là, et d’autres bandes de volatiles marins accourent et se chamaillent dans les parcs à huîtres tout proches. La marée se retire pour la deuxième fois de la journée. En prenant mon temps, je reviens à bord, définitivement cette fois-ci, et prépare mon bivouac. Ensuite je me pelotonne sur mon mince matelas de mousse, engoncé comme d’habitude dans mon ciré et je m’endors profondément.


Lundi 28 juillet | Mercredi 30 juillet


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