10
avril, Blaye, sous la citadelle —Vent
du nord mêlé de pluie,
le fleuve bruisse strié de lumière,
les îles accèdent jour
après jour au vert, vertes pour
de longs mois. Poursuivre le tannage
des draps. Puiser l'eau à la
marée dans un seau balancé de
la digue au bout d'une corde, récolter
la vase à marée
basse. Etendre la lessive du fleuve
au gros vent. Aux heures de pluie, à la
nuit, réaliser les épissures, écrire,
lire les récits des voyageurs
partis à la rencontre des groupes
de chasseurs-pêcheurs du monde
entier, ceux qui vivent du territoire.
Nombre de récits évoquent
leurs relations difficiles avec la
société de l'élevage
et de l'agriculture, avec la modernité maintenant
mondiale, et leur lutte pour durer.
Il apparaît que leur survie passe
par leur talent à faire comprendre
qui ils sont. La pêche au fil
du fleuve traduit un regain d'intérêt
pour les pêcheurs d'ici considérés
comme des acteur forts de l'identité estuarienne.
Mais l'intention de fête n'explicite
pas cette identité du territoire
ni la part que sont appelés à y
prendre les pêcheurs, ces éléments
devant justement trouver leur expression
au cours de la rencontre. Ils en constituent
une des attentes, peut-être même
l'enjeu, et pourquoi pas l'objectif.
La fête devient lieu de transaction
entre un groupe constitué, les
pêcheurs, et une société de
plus en plus coupée de son territoire,
une société où l'image
remplace le vécu. Les pêcheurs
témoigneront-ils ? Déclineront-ils
leur identité? Qui sont-ils
? C'est la question que leur pose la
société au moment où se
reconfigure le territoire, où sont
redéfinis les rôles. Tout
en réalisant leurs pêches
les pêcheurs peuvent-ils être
ce lien vital entre une société,
la grosse société, et
le territoire estuarien ? En quoi consiste
ce rôle, qu'implique-t-il de
leur part ?
|