Crépuscule sur Cordouan
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Talmont-sur-Gironde

Une démarche de création artistique au fil des mois
 

9 avril, Blaye, sous la citadelle —Un soleil vif succède aux abats d'eau de la nuit. Bise au bleu poussant ses cumulus dans un ciel dur. Sur le fleuve écumes et déferlements, marée de coefficient 104 qui noie le port, chuintement du flot déchiré par les pylônes du futur ponton, lumière sourde sur les trains d'onde.
Aujourd'hui étude et réalisation d'un procédé d'attache pour les draps, inspiré des pavillons de la marine : d'un côté une ganse, de l'autre un cabillot. De la sorte les draps s'assemblent à la demande comme les pavillons du grand pavois. Cabillots en buis, cordage façon chanvre résistant à deux cents kilos, commis à trois torons pour recevoir des épissures.
Retour aux questions de fond : l'héritage des lignées. Que transmettent-elles  ? Qu'apprennent des pêcheurs ceux qui les rencontrent et que vise le projet La pêche au fil du fleuve ? Au-delà des connaissances sur la rivière, sur le poisson, les techniques de pêche, c'est la manière qu'a le pêcheur d'être au monde qui mérite d'être dite, une manière de concevoir le fleuve, d'être en lien avec son milieu. La source de ce savoir, propre à celles et ceux qui vivent du territoire, reste le territoire lui-même. De là une représentation vivante du monde, une attention à ses exigences, toutes attitudes qui accroissent les chances de survie, les leurs et à plus long terme celles de la société. Cette sagesse aujourd'hui mérite d'être payée au prix fort, une sagesse dont disposent peut-être ceux qui vivent en contact avec l'estuaire et constituent de ce fait un groupe ressource, un patrimoine humain. Prise de conscience capable de remettre en cause les comportements pour peu qu'elle acquière la force d'un choc culturel. Mais comment engendrer ce choc ? Pour autant que le pêcheur témoigne d'une manière d'être au monde qui bouscule, sa rencontre peut faire passer l'homme de la ville du sentiment de se trouver face à un mode de vie pittoresque, un produit culturel à consommer, au saisissement d'être directement concerné par le risque capital de notre civilisation : la déchéance du territoire, la lente destruction de la nature et la perte des valeurs humaines qui en découlent.
La recherche menée pour élaborer l'installation artistique du 18 juin à Talmont prend sous cet éclairage une dimension élargie, elle dépasse les enjeux d'un jour de fête pour se déployer plus avant. Comment réaliser cette calligraphie sur draps pour qu'elle mette en branle une pensée véritablement engagée ?

 

© Conservatoire de l'estuaire de la Gironde