2 avril, Bourg-sur-Gironde,
le port —Dix-sept heures, vent de sud,
ciel plombé, le fort du descendant. Tannage
des draps sur la cale. La vase de Dordogne, plus blonde,
autre. Alentour l'herbe grasse, pissenlits et pâquerettes.
Ainsi les draps sont enduits en lieux divers de l'estuaire,
selon les aléas d'une vie nomade. Un
fil entre deux arbres permet de faire sécher
la lessive du fleuve. Une habitante accourt, indique
le lavoir tout proche, le recommande, mon dieu ! plutôt
que cette eau du fleuve. Pourquoi avoir choisi Bourg
? Pour user du lavoir justement : sa charpente au-dessus
du bassin d'eau claire permet de suspendre la lessive
si la pluie menace, comme c'est aujourd'hui le cas —puis
laissant la lessive, de gagner Blaye où travailler
sur la page Internet. En outre, il est aisé de
rejoindre d'ici l'atelier du calligraphe situé dans
l'Entre-deux-Mers, lui livrer les draps et les textes.
Puis de regagner Parempuyre dans le Médoc où la
Communauté d'Emmaüs vend les draps. Ce
périple de la lessive, cette rotation des vases élargit
le projet, lui donne souffle. C'est symboliquement
l'estuaire qui se rend à Talmont, et même
tout le bassin versant dont les vases sont l'expression.
En face de Bourg, les frênes de l'Île aux Vaches commencent à verdir. Oui la vase voyage, déposée, reprise, descendue, remontée, draguée, rejetée, endiguée. Mémoire des eaux, elle dit le périple du fleuve, fluide, mutable, feuilleté, livre où s'écrit sa légende. Ce constant déplacement signe l'identité du fleuve. Ici l'eau va et vient contrairement au Temps qu'elle symbolise dans les littératures, mémoire à éclipses, dessous de vie, bande passante d'une voix brouillée et pourtant présente, rendant l'idée des lignées peut-être ? Ce quelque chose repris et relancé ? Qu'est-ce ? |