30 mars, école Jacques
Prévert, Bruges près de Bordeaux —Huit
heures trente. Garé au bord du trottoir devant
la classe, rideaux tirés, dans les interstices
jeux du soleil perçant la brume. Les parents
déposent les enfants. Prise de notes à la
lueur d'une loupiote, engoncé dans le duvet,
il fait frais. Portières claquées, voix
d'enfants. Un cartable frotte la paroi du fourgon.
Le
calligraphe au sortir du premier essai souhaite des textes
plus ramassés, comportant moins de lettres, permettant
donc d'écrire gros. Il propose des formes du genre
haïku. Le haïku n'est pas bavard, l'image saute
au visage. Forme populaire, il pousse trois cris, en
fait les trois premiers vers d'un forme classique, le
tanka, comportant cinq vers de 5-7-5-7-7 syllabes. Plusieurs
tanka peuvent s'enchaînent pour former un renga.
Ici garder l'esprit du haïku en utilisant toutefois
des vers plus courts pour tenir en largeur sur le drap
: l'écriture japonaise, verticale, en idéogrammes
ou en cursive descendue au pinceau, craint moins de s'étendre
car le support s'allonge. Devant
l'école la rue se vide. Le soleil encore bas alimente
trop peu le panneau solaire pour permettre de lancer
le micro-ordinateur. Continuer d'écrire au crayon
sur un cahier, dans la couchette, mais ouvrir le rideau.
Gros camions de terre alimentant le chantier au fond
de la rue, et qui passent de justesse sans pour autant
ralentir. Font trembler le fourgon. Fermer les yeux.
Un drap finit de sécher entre le tableau de bord
et le volant, buée striée de coulures sur
le pare-brise, buée partout. Dans le jardin mitoyen
le bouleau est couvert de chatons, chant du merle, soleil
sur l'écorce neigeuse. En japonais, l'effet de cri du haïku est amplifié par une lecture globale que ne facilite guère l'écriture alphabétique. Raison de plus pour rester ici en dessous de cinq et sept syllabes. Le haïku laisse souvent pressentir la présence de l'auteur, le campe en situation. S'y ajoute une indication sur la saison, sur l'heure, ou sur le temps qu'il fait. Le haïku traite du quotidien, gai ou triste, de la vie nature, et le pêcheur y apparaît souvent. Cette forme paraît convenir pour le site de Talmont et la fête du 18 juin. Le tanka quant à lui, plus initié, moins populaire, reste dédié aux sujets amoureux, aux dits psychologiques, il déroule volontiers des figures de styles. |