20 février 2005, Talmont —Petite
lune, mortes eaux : le ciel vide, la bise d'acier. Le
fleuve, la ligne bleutée du Médoc, la falaise,
les pêcheries, le marais, la plaine, les champs
de jeune blé. Crachées de neige, flocons
voltigeant dans les ruelles, le vieux grand tilleul de
la mairie, la conche sous l'église Sainte Radegonde,
les palmes du fucus dans la respiration du fleuve.
L'estuaire,
un bras de mer, espace rude dont l'appropriation reste
problématique et éphémère
comparée à celle qu'autorise la terre.
Seule une présence continue et une pratique sans
faille permet aux pêcheurs de marquer cet espace
pour tenter d'en faire un territoire, un lieu où construire
leur identité. Le territoire, marqué par
les pratiques qu'y développent les hommes pour
y survivre, se constitue à son tour en patrimoine
susceptible d'être transmis. Les lignes de cette
transmission dessinent les lignées. Plus le territoire
s'ensauvage, se dérobe, plus la lignée
s'affirme, se structure. Là où le territoire
résiste, voire se soustrait à l'appropriation,
c'est la lignée qui tient lieu de territoire.Entre les tamaris, éclats des laisses de vase, le soleil plus rouge à mesure qu'il descend. Odeur de marée, d'algues. Le crépuscule d'hiver. |