Le 26 avril 2007, les élèves des classes de Seconde 7, 1ere L, et Seconde des Métiers de la Mode ont rencontré Didier
Daeninckx.
Cette rencontre, originale de par l'hétérogénéité du public, a clôturé en beauté la saison 2006-2007 de Paroles d'Estuaires.
Le débat a été très riche et dense. En voici quelques extraits tirés du jeu de questions/réponses instauré entre l'auteur
et les élèves. Au préalable, Didier Daeninckx avait défini les règles en annonçant que
« Toute question sera permise... »
Les élèves : « D'où vous vient cette volonté de parler de la guerre dans beaucoup de vos livres comme Meurtre pour
mémoire ? »
Didier Daeninckx :
« Si je parle des guerres, c'est parce que je n'ai jamais considéré qu'elles puissent s'enfermer dans les parenthèses... Elles laissent
des ondes, même un siècle après... J'ai été moi-même fortement marqué par les images de guerre entre la France et l'Algérie... La littérature,
c'est essayer de comprendre quelle imprégnation reste dans le présent ».
Les élèves : « Pour Itinéraire d'un salaud ordinaire, comment avez-vous pu vous mettre dans la peau d'un personnage
aussi noir ? »
Didier Daeninckx : « Ce personnage est effrayant par sa médiocrité. Pour moi, c'était un défi de rendre passionnante toute une
vie sans lui donner d'excuse... »
Les élèves : « Est-ce que tous vos personnages sont imaginaires ? »
Didier Daeninckx : « J'invente des personnages sur la base de faits réels. Ils me permettent de porter des évènements. Le déclencheur
de mes histoires, ce sont toujours des choses que je rencontre dans la vie, et plus particulièrement des choses que je n'arrive
pas à comprendre. Pour moi, écrire, c'est une manière de figer le temps et de l'explorer... »
Les élèves : « A la lecture du texte Corvée de bois, on se sent nous aussi en pleine corvée de lecture tant
le personnage nous entraîne dans l'ignoble... »
Didier Daeninckx : « Ce texte m'a rendu malade à moi aussi. Mais il fallait que je l'écrive... C'est difficile de tomber sur des
tortionnaires « non monstrueux », qui vous ressemblent et d'imaginer leur parcours... Mon personnage correspond à la métaphore
de la guerre d'Algérie. A la fin, comme il en a fini de couper des membres, il se met à couper des textes littéraires... »
Les élèves : « Pourriez-vous nous citer un ou des livres qui vous a marqué ? »
Didier Daeninckx : « Je viens d'une famille ouvrière où il n'y avait pas ou peu de livres à la maison. Les livres que je lisais
au début correspondaient aux prix offerts à l'école... Pour moi, l'auteur majeur est Conan Doyle et son cycle de Sherlock Holmes.
Il offre plusieurs niveaux de lectures. Le premier qui est immédiat, s'adresse aux nerfs et il correspond à la tension provoquée
par l'intrigue. Le second qui vient quand on grandit, s'attache à la technique littéraire. Les éléments d'abord magiques sont
ensuite expliqués par l'interprétation de Sherlock... Lire les mêmes œuvres à différents âges de la vie apporte la richesse de
sens cachés. A ce moment là, la lecture est une re-création de l'écriture... J'ai aussi aimé Jack London qui reste pour moi un
auteur essentiel... Aujourd'hui, un des plus grands, un des plus élégants, c'est Jean Echenoz... »
Les élèves : Depuis combien de temps écrivez-vous ?
Didier Daeninckx « L'école m'a quitté à 13 ans. J'ai fait 1 an de lycée professionnel en comptabilité... Ensuite, je suis parti
et j'ai cherché du travail. A Saint-Denis, j'ai été embauché dans un atelier d'imprimerie pendant 1 douzaine d'années. J'ai écrit
mon premier livre en 1977. Il n'a pas été édité. C'est lors de l'écriture de mon deuxième livre Meurtre pour mémoire que
ma passion pour l'écriture est née... »
Les élèves : Que ressentez-vous à la fin de l'écriture d'un livre ?
Didier Daeninckx : « Pour certains livres, après la tension extrême liée à l'écriture, il y a à la fois un soulagement et une
persistance qui empêche d'écrire autre chose rapidement après... »
Les élèves : Avez-vous déjà été confronté à la censure ?
Didier Daeninckx : « Je n'ai pas été victime de censure mais certains de mes livres ont suscité d'énormes polémiques... Par exemple, à Orange, à la
bibliothèque, le Front National a interdit mes livres parce que jugés subversifs... La Fête des Mères, accusé d'être une
incitation à la malhonnêteté, a été l'objet d'une demande d'interdiction finalement rejetée au Ministère de la Culture... Si je
n'ai pas subi de censure politique, je suis pourtant confronté à la censure économique. En effet, avant j'avais le choix entre
15 éditeurs et désormais, je n'en ai plus que 5... ».
Les élèves : Que vous apporte votre métier ?
Didier Daeninckx : « Par l'écriture, j'ai complètement gagné mon indépendance. Le métier d'écrivain m'a apporté la Liberté :
la liberté de parole, la liberté de mes actes dans une journée, la liberté économique... C'est une chance pour moi d'allier à 100%
Passion et Travail... ».
La rencontre s'est achevée par une séance de dédicace : Merci Didier Daeninckx !
mis en ligne le 14 mai 2007