Lettres d'estuaires

Citadelle

Amis qui vous trouvez au pays de godaille,
Ou bien vous, qui passez par la ville de Blaye,
Avez-vous observé, dans le soir qui descend,
A l'heure où le soleil empourpre l'occident,
Ce colosse de pierre endormi sur la rive
Et qui ne gronde plus quand une nef arrive ?
En face est Fort Médoc, sur une île, Paté,
Vestiges d'une époque où le fleuve portait
Aussi bien le danger que la flotte marchande !
La loi de ces temps-là voulait qu'on se défende...
Le vieux mur me conduit plus loin dans le passé,
Vers ce point culminant où l'on avait placé
Du seigneur troubadour la vaste forteresse
De laquelle il rêvait à sa belle princesse...
Avant les bastions, c'est l'ancien hôpital
Qui semble avoir gardé, sous ses voûtes puissantes,
Les plaintes des soldats dont les âmes mourantes
S'envolaient lentement de l'abri colossal.
Plus loin, la poudrière et, de nouveau, le fleuve
Où, malgré moi, soudain, ma faconde s'abreuve
Je suis sur un vaisseau, cette onde fait le temps,
Et je glisse sur lui pendant un court moment...
C'est au cœur du présent que la nef me ramène
Avant de se figer, protectrice et sereine.
Aujourd'hui, tout est calme et respire la paix ;
La vague, au pied du mur, berce l'instant qui passe 
Dans le feu du couchant que le regard embrasse
Du formidable   écran de ces remparts épais...
 

© Gérard Sansey

© Conservatoire de l'estuaire de la Gironde